lundi 9 février 2009

L'hiver : se chauffer

Pourquoi un billet consacré à l'hiver au Japon, puisque le froid n'est pas une chose inconnue des Européens ou autres Francophones qui n'ont pas la chance de vivre sous des climats tropicaux. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de me lancer dans une étude météorologique pointue du climat des différentes régions du Japon. Géographiquement parlant, je me cantonnerai dans la région de Nagoya, mais les conseils (banals) de protection contre le froid sont valables dans tout le Japon, excepté sans doute à Okinawa.

Une opinion personnelle pour commencer, l'hiver de Nagoya est beaucoup moins pénible que l'été. La conservation des aliments ne demande que les précautions habituelles aux climats tempérés, les chaussures ne moisissent pas et les bêbêtes n'envahissent plus la farine. Le soleil luit en général dans un ciel bleu azur, régulièrement balayé, il est vrai, par un vent sibérien glacial. Les petits matins sont lumineux dès avant 7 heures, l'air est sec (attention aux incendits !) et vivifiant, les températures tombent rarement bien au-dessous de zéro et la neige ne fait que de discrètes apparitions.

Certains pruniers commencent à fleurir en janvier, mais que l'on ne s'y trompe pas, c'est alors que le véritable hiver surgit : le 20 janvier est, sur le calendrier chinois, le jour de "taikan" ou "daikan", 大寒, le Grand Froid et cette nomination n'est pas usurpée. La douceur du mois de décembre aux matinées "glaciales" aux alentours de 10 degrés, cède la place à un froid, sinon sibérien, du moins mordant.

Le Grand Froid ne dure cependant pas très longtemps et, toujours d'après le calendrier chinois, le printemps commence le 3 février, la jour de "Setsubun", 節分, où l'on chasse les démons de la maison en jetant des poignées de haricots secs de soja, en criant, "Oniha soto ! Fukuha uchi !", "Dehors les démons ! Dans la maison le bonheur!", 鬼は外、福は内.

Le climat ignore cependant les traditions du calendrier et il ne faut pas s'attendre à l'arrivée du printemps avant les pluies du mois de mars "harusame", 春雨, qui brouillent le ciel bleu des premiers mois d'hiver et adoucissent les températures.

Cependant, ce qui rend en réalité l'hiver japonais particulièrement méchant, ne se lit pas sur les thermomètres extérieurs ni dans les bulletins météo. Ce n'est pas dehors que l'on prend la température de l'hiver mais dedans, qu'il s'agisse de maisons traditionnelles ou d'appartements situés dans des immeubles en béton, car le Japon ignore le froid, tout comme il ignore le chauffage central. A part dans les lieux publics, tout chauffage est individuel et dépend du degré de résistance au froid (très élevé, selon moi) des habitants. Si la pièce principale est en général dotée d'un quelconque mode de chauffage, il n'en va pas de même pour les couloirs et autres escaliers, que les Japonais jugent inutiles de chauffer. Sens aigu de l'économie, atmosphère saine d'une pièce à la température polaire (ne me plaignais-je pas de la touffeur estivale ?), habitude et résistance naturelles au froid de ses habitants, tout cela fait d'une maison japonaise en hiver, un lieu glacial et bien souvent invivable pour une personne habituée au confort du chauffage centrale.

La théorie
Jusque dans les années 60, dans les campagnes, chez les paysans, les modes de chauffage traditionnels avaient peu évolués depuis l'époque d'Edô. C'est au milieu de la pièce principale, qui servait de cuisine, que se trouvait le principal, sinon le seul chauffage, le "irori".


On y faisait cuire les aliments dans une marmite pendue à une crémaillère au-dessus de charbons ardents (charbon de bois). Les habitants de la maison et les invités de passage se groupaient autour de cette unique source de chaleur, assis sur des "zabuton", 座布団, en paille de riz, posés à même le plancher de bois.

Le "kotatsu", コタツ ("kota", de son petit nom), dont il est question un peu plus loin, a pénétré dans les foyers japonais bien plus tard que le "irori".


A ses débuts, la chaleur dissimulée sous la table n'était pas électrique, mais provenait de la combustion de charbons de bois, placés dans un récipient spécial à l'intérieur du trou creusé sous la table ("hori-kotatsu").


Un autre mode de chauffage à l'efficacité douteuse, était le hibachi", 火鉢, que les Occidentaux utilisent souvent aujourd'hui comme cache-pot. Les "hibachi", qui vont toujours par deux (?), étaient remplis de cendres sur lesquelles étaient posés des charbons ardents. De nos jours, les beaux "hibachi" atteignent des prix souvent très élevés chez les antiquaires.


Et la pratique ou "comment ne pas mourir de froid chez soi"
Le mode de chauffage le plus répandu est, sans nul doute, le "kotatsu". Cette table, sous le plateau de laquelle se trouve une résistance électrique et qui est habillée d'une sorte de couette, trône au milieu de la pièce principale et tous viennent se réfugier sous ses couvertures accueillantes qui sont souvent le seul endroit chaud de la maison.
Autopsie d'un kotatsu

Une fois installé dans le "kotatsu", qui vous grille les jambes mais prend bien soin de vous laisser le reste du corps glacé, il est bien difficile de s'en extraire pour affronter le froid polaire des couloirs et autres pièces sans chauffage. Il est cependant sans doute rare, de nos jours, que le "kotatsu" soit le seul mode de chauffage d'une habitation.

C'est alors qu'intervient toute la panoplie des chauffages indiviuels maintenant disponibles au Japon où l'on peut se chauffer, au pétrole, au gaz à ou à l'électricité.

Le chauffage au pétrole
C'est le mode de chauffage le moins onéreux. La gamme d'appareils est large ainsi que l'éventail de prix qui va des 5000 Yen à des 100 000 Yen (plus le chauffage est cher, plus sa capacité de chauffe est élevée).


Bien

Pas bien

Si les chauffages très bon marché sont à déconseiller à cause, entre autres choses, de l'odeur abominable qu'ils dégagent, les appareils plus sophistiqués ("fan heater"), tournant autour de 20 000 Yen, sont tout à fait recommandables pour des pièces de faibles dimensions, ce qui est la norme au Japon. Ils sont classés par capacité de chauffe d'une superficie déterminée. Cette capacité diffère selon que la maison est en bois (plus froide à chauffer) ou en béton. Tous les chauffages au pétrole "fan heater" sont équipés d'un programmateur et d'un thermostat. Et comme nous sommes en pays de tremblements de terre, ils ont tous aussi une sécurité automatique qui les éteint, s'ils sont renversés ou si la secousse est très forte (il en va de même pour les appareils à gaz). On les remplit avec du pétrole stocké dans des jerrycans de 20 litres. On peut demander à se faire livrer le pétrole (les magasins qui vendent le riz ou ceux spécialisés dans les alcools sont aussi fournisseurs de pétrole en hiver) ou aller le chercher soi-même dans une station d'essence.

Le chauffage au gaz


Toujours alimenté au gaz de ville ou au gaz naturel, et jamais au propane, il est plus onéreux que le chauffage au pétrole car le prix du gaz est plus élevé que celui du pétrole ! La majorité des appareils sont des "fan heater" et ont les mêmes caractérisques que les chauffages au pétrole. Ils sont désormais équipés d'un programmateur et d'une sécurité tremblements de terre. Leur prix commence à partir d'environ 25 000 Yen.Tout comme les chauffages au pétrole, il est déconseillé de les laisser allumés la nuit.

Le chauffage par le sol
Les maisons et les appartements construits récemment sont en général équipés d'un chauffage au gaz par le sol. Seules en bénéficient cependantle les pièces de séjour et parfois la cuisine.

Chauffage par le sol

Ence qui concerne le chauffage électrique, du "kotatsu" au climatiseur/chauffage, en passant par les radiateurs à bain d'huile et autres convecteurs, la gamme de produits est vaste.


Mais le chauffage électrique, tout comme le chauffage au gaz, revient cher. Ses avantages : sécurité en cas de tremblement de terre, pas de risque d'asphyxie. Ses inconvénients : le voltage au Japon étant de 100 volts et les maisons japonaises, particulièrement les appartements, n'ayant pas le droit d'avoir des compteurs électriques à forte puissance (40 ampères maximum pour les appartements), brancher plusieurs appareils électriques ensemble fait invariablement "sauter les plombs". Celles et ceux qui connaissent les joies des descentes d'escalier dans le noir, les cheveux dégoulinant de shampoing, à la recherche du disjoncteur, me comprendront.

Le tapis chauffant


Dans la gamme "appareils électriques", il ne faut pas oublier de mentionner le tapis chauffant, ou "hot carpet", équipé d'un thermostat et ancêtre, ou enfant pauvre, du chauffage par le sol. Le Japon ne faisant pas partie des pays où règne "la civilisation de la chaise", l'habitude de s'asseoir par terre demeure, d'où l'intérêt du tapis chauffant.

Le "kairo"


Qui parle de lutte anti-froid, ne peut omettre de mentionner les "kairo", ces petis sachets de limaille de fer et autres composants (charbon, eau, sciure de bois, etc...) qui, par je ne sais quel miracle chimique, émettent une chaleur bienfaisante et durable (12 heures), lorsqu'on les sort de leur sachet de protection. On les appelle aussi "poka-poka", d'après l'onomathopée qui signifie quelque chose comme "bon chaud". Il y en a des grands, à peu près de la taille d'une carte postale, que l'on met dans ses poches ou qui adhèrent aux sous-vêtements (NE JAMAIS LES COLLER A MEME LA PEAU !) et des petits, adhérants ou non, qui se glissent dans les chaussures, les gants, ou tout autre endroit imaginable que l'on veut réchauffer.

Leur température maximale atteint 63 degrés et leur température moyenne est de 53 degrés (cf : indications portées sur le paquet). Les personnes exposées au froid extérieur, travailleurs, sportifs ou promeneurs, en sont les premiers utilisateurs, mais les "kairo" n'ont pas leur pareil pour soulager un dos douloureux ou une épaule ankylosée.

Au bout de 12 heures, ils durcissent et deviennent froids. Il est alors temps de les jeter (ordures non-combustibles !). Si l'on ne s'amuse pas à les ouvrir, à en répandre le contenu ou avaler celui-ci (toujours les instructions portées sur les paquets...), ils n'ont à ce jour fait aucune victime et ne semblent pas représenter un quelconque danger pour la santé. Que les personnes à la peau sensible fassent cependant attention ! Leur douce chaleur peut être traitresse et provoquer des brûlures légères si on les laisse trop longtemps en contact avec la peau (cas des "kairo" à "coller" sur les sous-vêtements).

Le kaimakifuton

Et si la nuit, malgré toutes les couettes en plume, couvertures, bouillotes et chaussettes, et "kairo", on a toujours froid, le "kaimakifuton" pourrait peut-être fournir une solution aux plus désespérés...

On s'enveloppe dedans pour dormir

Le bain
Le tour d'horizon de la lutte anti-froid au Japon ne serait pas complet, si l'on omettait le sacro-saint bain quotidien vespéral. Depuis toujours, alors que les Occidentaux regardaient le bain, au pire comme un danger, au mieux comme un luxe dont on ne devait pas abuser, les Japonais l'ont toujours considéré comme une institution indispensable à la vie quotidienne.

Onsen

Que ce soit dans leurs propres maisons, dans les "onsen" (villes thermales aux nombreuses auberges offrant des bains communs alimentées en eau thermale chaude), 温泉, ou dans les "sentô" (bains publics), 銭湯, le bain leur apportent le délassement et le confort dont tous ont besoin.

Sentô

Ce rituel du bain est respecté tout au long de l'année, mais il prend en hiver une importance particulière du fait de l'environnement glacial d'une maison japonaise. 43 degrés est la température minimale de l'eau, dans laquelle il vaut mieux se plonger avec prudence si l'on n'est pas habitué à de tels sommets (Attention : la température de l'eau dans les "onsen" ou les "sentô" est de beaucoup supérieure).

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Longue vie à ce nouveau blog! je n'ai pas pu mettre de commentaires sur SDC, par contre....

Hélène(エレン) a dit…

Je sens que je vais encore passer la journée sur l'ordi...

 
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